Ce colloque s’inscrit dans la continuité d’autres événements scientifiques à l’UGA dont le colloque international « Langues sur objectifs spécifiques (LOSP): perspectives croisées entre linguistique et didactique » qui a eu lieu en novembre 2016 et le colloque « Lexicologie, Terminologie, Traduction » qui s’est tenu en septembre 2018.
Notre objectif est de contribuer au développement des recherches sur les langues de spécialité en mettant l’accent sur la constitution de ressources linguistiques, sur les méthodes d’analyse des données ainsi que sur les applications didactiques des langues de spécialité. Ce domaine de recherche apparaît essentiel, d’une part, pour mieux comprendre le fonctionnement spécifique des emplois langagiers associés à certains genres et, d’autre part, pour contribuer à l’élaboration de ressources afin de mieux former les étudiants et favoriser ainsi leur insertion professionnelle.
Dans cette perspective, le colloque RADELAS abordera principalement les questions relatives à la constitution de ressources linguistiques en langues de spécialité, à la modélisation des données pour l’analyse ainsi qu’à la transposition didactique afin que « l’objet de savoir » devienne « l’objet à enseigner ».
Nous aimerions par ailleurs faciliter les échanges entre enseignants-chercheurs de différentes aires linguistiques et culturelles (anglais, espagnol, français, allemand, italien..) mais aussi entre les divers domaines de spécialités (sciences, économie, droit, médecine, arts...) afin d’apporter une vision globale, comparative et complémentaire entre les différentes communautés intéressées par les langues de spécialité.
Trois thématiques seront abordées :
1) Constitution de ressources linguistiques
La constitution de ressources linguistiques en langues de spécialité est un préalable souvent indispensable à une analyse et à une modélisation linguistique ainsi qu’à une exploitation didactique. Linguistes et didacticiens se heurtent en effet bien souvent à un manque de ressources déjà construites, et quand bien même ces ressources existent, elles ne sont pas nécessairement adaptées aux objectifs linguistiques et didactiques visés. Dans ce contexte, les ressources à construire impliquent la collecte de données (écrites, orales) via la mise en œuvre de méthodes issues du Traitement Automatique des Langues et/ou d’instruments de recueil - enquête de terrain, questionnaire, entretien (Divoux 2017; Bert et al. 2010).
Le mode de collecte de données, les contraintes liées à leur libre exploitation (droits d’auteurs), la fiabilité des données (garante de la qualité de l’analyse), les différents traitements à appliquer aux données collectées (nettoyage, transcription, annotation, entre autres) sont autant de réflexions et actions à mener, et de défis à relever pour tout chercheur/enseignant-chercheur impliqué dans une démarche d’exploitation et de diffusion de ressources en langues de spécialité (Kraif, 2016 et 2017). Par ailleurs, la nature chronophage liée à chacune de ces étapes constitue un élément de taille, impliquant de s’intéresser à des méthodes alternatives visant à en limiter le coût (humain, matériel). Le numéro 2 de la revue en ligne Points Communs (2015) était ainsi entièrement consacré à la méthodologie de collecte des données en Français sur Objectif Spécifique.
Quant aux ressources déjà construites mais à adapter, elles posent la délicate question de l’articulation entre constitution de ressources et applications visées, induisant tout à la fois des questions à la croisée de l’informatique, de la linguistique et de l’ergonomie - si l’on s’attache à prendre en compte les besoins des utilisateurs dans la conception d’outils/d’interfaces (Falaise & al. 2011).
2) Méthodes d’analyse
Le colloque abordera aussi la question des méthodes d’analyse linguistique pour les langues de spécialité. Les approches dans ce cadre sont multiples. Elles peuvent porter sur l’analyse du discours interactionnel (Cicurel & Doury, 2001 ; Mercelot, 2006 ; Alvarez Martinez, 2018), sur l’analyse du discours spécialisé dans une tradition énonciative (Fløttum et al. 2006) ou bien sur la mise en lumière des logiques professionnelles (Mourlhon-Dallies, 2008).
Les méthodes peuvent aussi porter sur la syntaxe, le lexique ou la phraséologie, comme l’illustrent les études sur le lexique scientifique transdisciplinaire, un lexique de genre propre au discours scientifique (Jacques & Tutin, 2018). Enfin, la terminologie est elle aussi concernée par ces questions, que ce soit dans une approche fondée sur l’exploration textuelle (Condamines, 2018; Cabré & Vidal 2004) ou dans une perspective plus cognitive (Faber 2009 ; 2012).
Dans le domaine de la didactique du FLE, en Français sur Objectif Spécifique (FOS) et en Français sur Objectif Universitaire (FOU), l’analyse des données collectées porte à la fois sur les aspects linguistiques et discursifs, dans une optique de définition des contenus à enseigner (Mangiante & Parpette, 2004 et 2011).
Les recherches en anglais de spécialité illustrent la diversité et la complémentarité des approches (Van Der Yeut, 2016a; Gledhill et Kübler 2016) et dans le monde hispanophone, la forte demande de formations en langues de spécialité a donné lieu à l’apparition de travaux dans les domaines de la linguistique de corpus, la terminologie, la lexicographie et la linguistique contrastive (Díaz Rodríguez, 2010; Pujol, 2018).
3) Applications didactiques
Les ressources linguistiques en langues de spécialité (LSP) ainsi que leurs analyses ne peuvent pas intervenir en l’état dans la salle de classe. En effet, dans une approche constructiviste de l’enseignement-apprentissage d’une LSP la transposition didactique (Chevallard, 1985: 20) de l’objet de savoir (ici, les variétés spécialisées des différentes langues décrites par les linguistes) en objet à enseigner a pour but de permettre à l’apprenant de construire ses connaissances par l’intermédiaire de ses interactions avec l’objet d’enseignement en présence pour se l’approprier (Van der Yeught, 2016b:10). Les langues de spécialité doivent être décrites en tant que compétence si l’on veut en faciliter la transmission aux apprenants. Dans ce cadre, notre objectif est de fournir des pistes de réflexion pour transposer une LSP en objet d’enseignement en prenant en compte les caractéristiques linguistiques, discursives et culturelles de la LSP ainsi que le cadre institutionnel (LANSAD, LEA, LCE…) dans lequel la LSP est enseignée. Transposer une LSP en objet d’enseignement nous conduit forcément à nous interroger sur les priorités à établir, les adaptations à envisager, les contraintes à prendre en compte, les besoins et les attentes du public visé, les médiations nécessaires… Bien que les didacticiens des LSP s’appuient sur les connaissances en didactique des langues (non spécialisées), l’une des particularités de la didactique des LSP est de caractériser le rapport entre enseignement-apprentissage de la langue non spécialisée et de la LSP considérée. Cette réflexion aura pour but de contribuer à la construction d’une didactique des LSP.
C’est à l’ensemble de ces questionnements et problématiques liés à la constitution de ressources linguistiques, aux méthodes d’analyse et aux applications didactiques en langues de spécialité que le colloque RADELAS tentera d’apporter des éléments de réponse.
Une publication sur les thématiques du colloque est envisagée dans la revue Lidl, UGA Editions, https://journals.openedition.org/lidil/
BIBLIOGRAPHIE
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Cabré, M.T. & Vidal, V. (2004), “La combinatoria léxica en la enseñanza y aprendizaje de lenguas para propósitos específicos”, in M.A. Castillo (coord.), Las gramáticas y los diccionarios en la enseñanza del español como segunda lengua; deseo y realidad. Actas del XV Congreso internacional de ASELE.
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LANGUES DU COLLOQUE : anglais, espagnol, français
Contact: radelas@univ-grenoble-alpes.fr